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VIE DE VOLTAIRE.

gants ou fanatiques, plus méprisables aux yeux de la raison, mais encore respectés par la populace : il laissa triompher Boyer.

Peu de temps après, le ministre sentit combien l’alliance du roi de Prusse était nécessaire à la France ; mais ce prince craignait de s’engager de nouveau avec une puissance dont la politique incertaine et timide ne lui inspirait aucune confiance. On imagina que Voltaire pourrait le déterminer. Il fut chargé de cette négociation, mais en secret. On convint que les persécutions de Boyer seraient le prétexte de son voyage en Prusse. Il y gagna la liberté de se moquer du pauvre théatin, qui alla se plaindre au roi que Voltaire le faisait passer pour un sot dans les cours étrangères, et à qui le roi répondit que c’était une chose convenue.

Voltaire partit, et Piron, à la tête de ses ennemis, l’accabla d’épigrammes et de chansons sur sa prétendue disgrâce. Ce Piron avait l’habitude d’insulter à tous les hommes célèbres qui essuyaient des persécutions : ses œuvres sont remplies des preuves de cette basse méchanceté. Il passait cependant pour un bon homme, parce qu’il était paresseux, et que, n’ayant aucune dignité dans le caractère, il n’offensait pas l’amour-propre des gens du monde.

Cependant, après avoir passé quelque temps avec le roi de Prusse, qui se refusait constamment à toute négociation avec la France, Voltaire eut l’adresse de saisir le véritable motif de ce refus : c’était la faiblesse qu’avait eue la France de ne pas déclarer la guerre à l’Angleterre, et de paraître, par cette con-