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VIE DE VOLTAIRE.


fugitives, mêlées de philosophie et de volupté, joignît à cette gloire celle de réussir au théâtre ; et M. de Maurepas, qui mettait de la vanité à montrer plus d’esprit qu’un autre dans un souper, ne pardonnait pas à Voltaire de lui ôter trop évidemment cet avantage, dont il n’était pas trop ridicule alors qu’un homme en place pût être flatté.

Voltaire avait essayé de le désarmer par une épître, où il lui donnait les louanges auxquelles le genre d’esprit et le caractère de M. de Maurepas pouvaient prêter le plus de vraisemblance. Cette épître, qui renfermait autant de leçons que d’éloges, ne changea rien aux sentiments du ministre. Il se lia, pour empêcher Voltaire d’entrer à l’Académie, avec le théatin Boyer, que Fleury avait préféré, pour l’éducation du Dauphin, à Massillon, dont il craignait les talents et la vertu, et qu’il avait ensuite désigné au roi, en mourant, pour la feuille des bénéfices, apparemment dans l’espérance de se faire regretter des jansénistes. D’ailleurs, M. de Maurepas était bien aise de trouver une occasion de blesser, sans se compromettre, madame de Châteauroux, dont il connaissait toute la haine pour lui. Voltaire, instruit de cette intrigue, alla trouver le ministre, et lui demanda si, dans le cas où madame de Châteauroux secondât son élection, il la traverserait : Oui, lui répondit le ministre, et je vous écraserai.

Il savait qu’un homme en place en aurait la facilité, et que, sous un gouvernement faible, le crédit d’une maîtresse doit céder à celui des prêtres intri-