Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée
52
VIE DE VOLTAIRE.

ron de Keyserling, visiter les divinités de Cirey, et porter à Voltaire son portrait et ses manuscrits. Le philosophe était touché, peut-être même flatté de cet hommage ; mais il l’était encore plus de voir un prince destiné pour le trône cultiver les lettres, se montrer l’ami de la philosophie et l’ennemi de la superstition. Il espérait que l’auteur de l'Anti-Machiavel serait un roi pacifique ; et il s’occupait avec délices de faire imprimer secrètement le livre qu’il croyait devoir lier le prince à la vertu, par la crainte de démentir ses propres principes et de trouver sa condamnation dans son propre ouvrage.

Frédéric, en montant sur le trône, ne changea point pour Voltaire. Les soins du gouvernement n’affaiblirent ni son goût pour les vers, ni son avidité pour les ouvrages conservés alors dans le portefeuille de Voltaire, et dont, avec madame du Châtelet, il était presque le seul confident ; mais une de ses premières démarches fut de faire suspendre la publication de l'Anti-Machiavel. Voltaire obéit ; et ses soins, qu’il donnait à regret, furent infructueux. Il désirait encore plus que son disciple, devenu roi, prit un engagement public qui répondît de sa fidélité aux maximes philosophiques. Il alla le voir à Wesel, et fut étonné de trouver un jeune roi en uniforme sur un lit de camp, ayant le frisson de la fièvre. Cette fièvre n’empêcha point le roi de profiter du voisinage pour faire payer à l’évêque de Liège une ancienne dette oubliée. Voltaire écrivit le mémoire, qui fut appuyé par des soldats ; et il revint à Paris, content d’avoir vu que son héros était un