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VIE DE VOLTAIRE.


représentations du ministre de l’empereur, et s’était contenté de le faire assister au supplice d’un de ses compagnons de voyage.

Dans cette retraite, Frédéric, passionné pour la langue française, pour les vers, pour la philosophie, choisit Voltaire pour son confident et pour son guide. Ils s’envoyaient réciproquement leurs ouvrages ; le prince consultait le philosophe sur ses travaux, lui demandait des conseils et des leçons. Ils discutaient ensemble les questions de la métaphysique les plus curieuses comme les plus insolubles. Le prince étudiait alors Wolf, dont il abjura bientôt les systèmes et l’inintelligible langage, pour une philosophie plus simple et plus vraie. Il travaillait en même temps à réfuter Machiavel, c’est-à-dire à prouver que la politique la plus sûre, pour un prince, est de conformer sa conduite aux règles de la morale, et que son intérêt ne le rend pas nécessairement ennemi de ses peuples et de ses voisins, comme Machiavel l’avait supposé, soit par esprit de système, soit pour dégoûter ses compatriotes du gouvernement d’un seul, vers lequel la lassitude d’un gouvernement populaire, toujours orageux et souvent cruel, semblait les porter.

Dans le siècle précédent, Tycho-Brahé, Descartes, Leibnitz, avaient joui de la société des souverains, et avaient été comblés des marques de leur estime ; mais la confiance, la liberté ne régnaient pas dans, ce commerce trop inégal. Frédéric en donna le premier exemple, que, malheureusement pour sa gloire, il n’a pas soutenu. Le prince envoya son ami, le ba-