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SUR VOLTAIRE.


nègres, et alors cet esclavage est une violation du droit naturel ; mais l’état de soldat n’est pas en lui-même un état d’esclavage.


Sur l'opinion de Voltaire, que l’humanité envers les esclaves excuse l’achat qu’on en a fait [1].


C’est ici une autre question. Puis-je, l’esclavage étant établi dans une société, acheter un esclave, qui sans cela deviendrait l’esclave d’un autre, que je traiterai avec humanité, à qui je rendrai la liberté lorsqu’il m’aura valu ce qu’il m’a coûté, si alors il est encore en état de vivre de son travail, et à qui je ferai une pension, s’il a vieilli à mon service ? Je vois un esclave sur le marché, je lui dis : Mon ami, mes compatriotes sont des coquins qui violent le droit naturel sans pudeur et sans remords. On va te vendre 1500 livres ; je les ai, mais je ne puis faire ce sacrifice pour empêcher ces gens-là de commettre un crime de plus. Si tu veux, je t’achèterai, tu travailleras pour moi, et je te nourrirai ; si tu travailles mal, si tu es un vaurien, je te chasserai, et tu retomberas entre les mains dont tu sors ; si je suis un brutal ou un tyran, si je te donne des coups de nerf de bœuf, si je te prends ta femme ou ta fille, tu ne me dois plus rien, tu deviens libre ; fie-toi à ma parole, je ne fais point le mal de sang-froid. Veux-tu me suivre ? Mais cachons ce traité : on ne souffre ici entre ton espèce et la mienne que les conventions qui sont des crimes ; celles qui seraient

  1. Tome XXXVI, p. 276.