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NOTES


Sur l’opinion de Voltaire, que celui qui vend sa liberté y est un imbécile, mais que celui qui l’achète n’est pas un coquin[1].


Nous ne pouvons être ici d’accord avec M. de Voltaire : 1° les principes du droit naturel prononcent la nullité de toute convention dont il résulte une lésion qui prouve qu’elle est l’ouvrage de la démence de l’un des contractants, ou de la violence et de la fraude de l’autre ; 2° un engagement est nul, par la même raison, toutes les fois que les conditions de cet engagement n’ont point une étendue déterminée ; 3° quand il serait vrai qu’on pût se vendre soi-même, on ne pourrait point vendre sa postérité. Un homme ne pourrait avoir le droit d’en vendre un autre, à moins qu’il ne se fût vendu volontairement, et que celte permission fût une des clauses de la vente ; l’esclavage ne serait donc alors légitime que dans des cas très-rares. D’ailleurs un homme qui abuse de l’imbécillité d’un autre, est précisément ce que M. A. ne veut pas être. Il n’y a nulle parité entre l’état d’un esclave et celui d’un soldat. Les conditions de l’engagement du soldat sont déterminées ; son châtiment, s’il y manque, est réglé par une loi, et est infligé par le jugement d’un officier, qui est, dans ce cas, une espèce de magistrat, un homme chargé d’exercer une partie de la puissance publique. Cet officier n’est pas juge et partie comme le maître à l’égard de son esclave. Les soldats peuvent être réellement, en certains pays, dans une situation pareille à la servitude des

  1. Tome, XXXVI, p. 173.