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SUR VOLTAIRE.


changerait en quelque sorte sa nature ; mais ce n’est pas une raison pour être sur qu’il ne peut l’acquérir. 2° On pourrait connaître la cause de toutes nos sensations, de tous nos sentiments, et cependant n’avoir point le pouvoir, soit de détourner les impressions des objets extérieurs, soit d’empêchez les effets qui peuvent résulter d’une distraction, d’un mauvais calcul. 3° Il y a un grand nombre de degrés entre notre ignorance actuelle et cette connaissance parfaite de notre nature ; l’esprit humain pourrait parcourir les différents degrés de cette échelle sans jamais parvenir au dernier ; mais chaque degré ajouterait à nos connaissances réelles, et ces connaissances pourraient être utiles. Il en serait de la métaphysique comme des mathématiques, dont jamais nous n’épuiserons aucune partie, même en y faisant, dans chaque siècle, un grand nombre de découvertes utiles.


Sur l’opinion de Voltaire, que les choses que peu de personnes peuvent se flatter d’entendre, sont inutiles au reste du genre humain[1].


Cette opinion est-elle bien certaine ? L’expérience n’a-t-elle point prouvé que des vérités très-difficiles à entendre peuvent être utiles ? Les tables de la lune, celles des satellites de Jupiter, guident nos vaisseaux sur les mers, sauvent la vie des matelots, et elles sont formées d’après des théories qui ne sont connues que d’un petit nombre de savants. D’ailleurs, dans

  1. Tome, XXXII, p. 100.