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VIE DE VOLTAIRE.


que la superstition a mis au rang des crimes, il avait été emprisonné dans un temps où, par une atroce et ridicule politique, on croyait très à propos de brûler quelques hommes, afin d’en dégoûter un autre de ce vice pour lequel on le soupçonnait faussement de montrer quelque penchant.

Voltaire, instruit du malheur de l’abbé Desfontaines, dont il ne connaissait pas la personne, et qui n’avait auprès de lui d’autre recommandation que de cultiver les lettres, courut à Fontainebleau trouver madame de Prie, alors toute-puissante, et obtint d’elle la liberté du prisonnier, à condition qu’il ne se montrerait point à Paris. Ce fut encore Voltaire qui lui procura une retraite dans la terre d’une de ses amies. Desfontaines y fit un libelle contre son bienfaiteur. On l’obligea de le jeter au feu, mais jamais il ne lui pardonna de lui avoir sauvé la vie. Il saisissait avidement, dans les journaux, toutes les occasions de le blesser ; c’était lui qui avait fait dénoncer, par un prêtre du séminaire, le Mondain, badinage ingénieux où Voltaire a voulu montrer comment le luxe, en adoucissant les mœurs, en animant l’industrie, prévient une partie des maux qui naissent de l’inégalité des fortunes et de la dureté des riches.

Cette dénonciation l’exposa au danger d’une nouvelle expatriation, parce qu’au reproche de prêcher la volupté, si grave aux yeux des gens qui ont besoin de couvrir des vices plus réels du manteau de l’austérité, on joignit le reproche plus dangereux de s’être moqué des plaisirs de nos premiers pères.