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SUR VOLTAIRE.


constance et le zèle le plus pur, mérite de nous arrêter.

La magnificence, dans les monuments publics, est une suite de l’industrie et de la richesse d’une nation. Si la nation n’a point de dettes, si tous les impôts onéreux sont supprimés, si le revenu public n’est en quelque sorte que le superflu de la richesse publique, alors cette magnificence n’a rien qui blesse la justice. Elle peut même devenir avantageuse, parce qu’elle peut servir, soit à former des ouvriers utiles à la société, soit à occuper ceux qui ne peuvent vivre que d’une espèce de travail, dans les temps où, par des circonstances particulières, ce travail vient à leur manquer. Les beaux-arts adoucissent les mœurs, servent à donner des charmes à la raison, à inspirer le goût de l’instruction. Ils peuvent devenir, entre les mains d’un gouvernement éclairé, un des meilleurs moyens d’adoucir ou d’élever les âmes, de rendre les mœurs moins féroces ou moins grossières, de répandre des principes utiles.

Mais surcharger le peuple d’impôts pour étonner les étrangers par une vaine magnificence, obérer le trésor public pour embellir des jardins, bâtir des théâtres lorsqu’on manque de fontaines, élever des palais lorsqu’on n’a point de fonds pour creuser des canaux nécessaires à l’abondance publique, ce n’est point protéger les arts, c’est sacrifier un peuple entier à la vanité d’un seul homme.

Offrir un asile à ceux qui ont versé leur sang pour la patrie ; élever, aux dépens du public, les enfants de ceux qui ont servi leur pays, c’est remplir un