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NOTES


pelle, on joue une farce religieuse, où des possédés tombent en convulsions à la vue d’un prétendu morceau de la vraie croix. On imaginerait difficilement un spectacle plus indécent ou plus dégoûtant ; mais aussi on en trouverait difficilement un qui prouvât mieux jusqu’à quel point la superstition peut dégrader l’espèce humaine, et surtout jusqu’à quel point l’amour de l’argent et l’envie de dominer sur le peuple peuvent endurcir des prêtres contre la honte, et les déterminer à se dévouer au mépris public. Il est étonnant que les chefs du clergé et ceux de la magistrature n’aient pas daigné se réunir pour abolir ce scandale, qui souille également et l’Église de Jésus-Christ et le temple de la Justice.

En 1777, un de ces prétendus possédés profita de cette qualité pour proférer, devant le peuple assemblé, tous les blasphèmes dont il se put aviser. Un homme raisonnable qui aurait parlé avec la même franchise eût été brûlé vif. Le possédé en fut quitte pour une double dose d’eau bénite. L’année d’après, la bonne compagnie y courut en foule, dans l’espérance d’entendre blasphémer ; mais la police avait ordonné au diable de se taire, et le diable obéit.


Sur la différence d’opinion entre Voltaire et l’abbé de Saint-Pierre, relativement à la magnificence dans les monuments publics[1].


Cette différence d’opinion entre les deux hommes des temps modernes, qui ont consacré leur vie entière à plaider la cause de l’humanité avec le plus de

  1. Tome, XXI, p. 198.