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VIE DE VOLTAIRE.


agir ses personnages. Il semble qu’il ne fasse que raconter ce qu’il vient d’apprendre sur son héros. Il n’est question que de combats, de projets militaires ; et cependant on y aperçoit partout l’esprit d’un philosophe, et l’âme d’un défenseur de l’humanité.

Voltaire n’avait écrit que sur des mémoires originaux, fournis par les témoins mêmes des événements ; et son exactitude a eu pour garant le témoignage respectable de Stanislas, l’ami, le compagnon, la victime de Charles XII.

Cependant on accusa cette histoire de n’être qu’un roman, parce qu’elle en avait tout l’intérêt. Si peut-être jamais aucun homme n’excita autant d’enthousiasme, jamais peut-être personne ne fut traité avec moins d’indulgence que Voltaire. Comme en France la réputation d’esprit est, de toutes, la plus enviée, et qu’il était impossible que la sienne en ce genre n’effaçât toutes les autres, on s’acharnait à lui contester tout le reste ; et la prétention à l’esprit étant au moins aussi inquiète dans les autres classes que dans celles des gens de lettres, il avait presque autant de jaloux que de lecteurs.

C’était en vain que Voltaire avait cru que la retraite de Cirey le déroberait à la haine : il n’avait caché que sa personne ; et sa gloire importunait encore ses ennemis. Un libelle, où l’on calomniait sa vie entière, vint troubler son repos. On le traitait comme un prince ou comme un ministre, parce qu’il excitait autant d’envie. L’auteur de ce libelle était cet abbé Desfontaines qui devait à Voltaire la liberté, et peut-être la vie. Accusé d'un vice honteux