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SUR VOLTAIRE.



Sur ce vers du même chant[1] :


Et je parle en soldat plus qu’en ambassadeur.


Ceux qui n’approuvent point que l’auteur ait supposé ce voyage de Henri IV en Angleterre, peuvent dire qu’il ne paraît pas permis de mêler ainsi le mensonge à la vérité dans une histoire si récente ; que les savants dans l’histoire de France en doivent être choqués, et les ignorants peuvent être induits en erreur ; que si les fictions ont droit d’entrer dans un poëme épique, il faut que le lecteur les reconnaisse aisément pour telles ; que quand on personnifie les passions, que l’on peint la Politique et la Discorde allant de Rome à Paris, l’Amour enchaînant Henri IV, etc., personne ne peut être trompé à ces peintures ; mais que lorsque l’on voit Henri IV passer la mer pour demander du secours à une princesse de sa religion, on peut croire facilement que ce prince a fait effectivement ce voyage ; qu’en un mot, un tel épisode doit être moins regardé comme une imagination de poète, que comme un mensonge d’historien.

Ceux qui sont du sentiment contraire, peuvent opposer, que non-seulement il est permis à un poète d’altérer l’histoire dans les faits qui ne sont pas des faits principaux, mais qu’il est impossible de ne le pas faire ; qu’il n’y a jamais eu d’événement dans le monde tellement disposé par le hasard, qu’ont pût

  1. Tome X, p. 207.