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SUR VOLTAIRE.


nale, que lorsque, soit par sa grandeur, soit par sa forme, il diminue l’intérêt de former des entreprises de culture, ou qu’il les fait négliger. Il n’était pas encore parvenu à ce point en 1760 ; et quoiqu’il y eût en France beaucoup de malheureux, quoique le peuple gémît sous le poids de la fiscalité, le royaume était encore riche et bien cultivé. Tout était si peu perdu à cette époque, que quelques années d’une bonne administration eussent alors suffi pour tout réparer. Ce que dit ici M. de Voltaire était donc très-vrai ; mais ce n’était en aucune manière une excuse pour ceux qui gouvernaient.


Sur ces vers d'Aménaïde dans la même pièce [1]:


Je pleure mon destin, je gémis sur mon père.


Iphigénie, près d’être immolée, dit à son père :


D’un œil aussi content, d’un cœur aussi soumis.
Que j’acceptais l’époux que vous m’aviez promis,
Je saurai, s’il le faut, victime obéissante.
Tendre au fer de Calchas une tète innocente.


Cette résignation parait exagérée : le sentiment d’Aménaïde est plus vrai et aussi touchant ; mais dans cette comparaison ce n’est point Racine qui est inférieur à Voltaire, c’est l’art qui a fait des progrès. Pour rendre les vertus dramatiques plus imposantes, on les a d’abord exagérées ; mais le comble de l’art est de les rendre à la fois naturelles et héroïques.

  1. Tome IV, p. 441.