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SUR VOLTAIRE.


VIOL (SUR LE).


A l’occasion de l’anecdote relative à une reine qui, pour éluder l’accusation d’une complaignante, prit un fourreau d’épée, et le secouant toujours, fit voir à la dame qu’il n’était pas possible alors de mettre l'épée dans le fourreau[1].


Le viol est un véritable crime, même indépendamment de toutes les idées d’honneur, de vertu, attachées à la chasteté. C’est une violation de la propriété que chacun doit avoir de sa personne ; c’est un outrage fait à la faiblesse par la force. Il doit être puni comme les autres attentats à la sûreté personnelle, qui sont distincts du meurtre. L’expédient de cette reine est une plaisanterie ; il suppose un sang froid qu’il est difficile de conserver. Si un homme, ayant une arme, s’est laissé assommer parce que la peur l’a empêché de s’en servir, l’assassin n’est pas moins coupable. Les preuves du viol ne sont pas impossibles ; il peut y en avoir de telles, qu’elles ne laissent aucun doute, et c’est d’après celles-là seules qu’on peut condamner. D’ailleurs, ce crime peut s’exécuter par le concours de plusieurs personnes, et en employant les menaces : ainsi, quoiqu’il soit très-rare qu’il ait été commis par un homme seul, on ne peut le placer au rang des crimes imaginaires, ou de ceux dont la loi ne doit point connaître.

  1. Voltaire, tome XLV, p. 318.
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