Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/578

Cette page n’a pas encore été corrigée
564
NOTES


lace, c’est contre des malheureux dont la famille, trop pauvre ou trop obscure, ne mérite pas que son honneur soit compté pour quelque chose.


Loi relative aux mères infanticides, en France[1].


Cette loi est du cardinal Bertrand, chancelier sous Henri II. Forcer une fille à déclarer à un juge ce qu’on appelle sa honte ; la punir du dernier supplice, si, n’ayant pas voulu se soumettre à cette humiliation, ou ayant trop tardé à la subir, elle accouche d’un enfant mort ; présumer le crime ; punir, non le délit, puisqu’on n’attend pas qu’il soit prouvé, mais la désobéissance à une loi cruelle et arbitraire, c’est violer à la fois la justice, la raison, l’humanité ; et pourquoi ? pour prévenir un crime qu’on ne peut commettre qu’en étouffant les sentiments de la nature, qu’en s’exposant à des accidents mortels. Cependant ce ne sont point les malheureuses qui commettent ce crime que l’on en doit accuser : c’est le préjugé barbare qui les condamne à la honte et à la misère, si leur faute devient publique ; c’est la morale ridicule qui perpétue ce préjugé dans le peuple. Le moyen que propose M. de Voltaire est le seul raisonnable ; mais il faudrait que ces hôpitaux fussent dirigés par des médecins qui ne verraient, dans les infortunées confiées à leurs soins, que des femmes coupables d’une faute légère déjà trop expiée par ses suites. Il faudrait qu’on y fût assuré du secret ;

  1. Tome XLV, p. 282.