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VIE DE VOLTAIRE.


d'être poëte, de s’adresser à l’imagination et de flatter l’oreille : l’étude des sciences agrandit la sphère des idées poétiques, enrichit les vers de nouvelles images. Sans cette ressource, la poésie, nécessairement resserrée dans un cercle étroit, ne serait plus que l’art de rajeunir, avec adresse et en vers harmonieux, des idées communes et des peintures épuisées.

Sur quelque genre que l’on s’exerce, celui qui a, dans un autre, des lumières étendues ou profondes aura toujours un avantage immense. Le génie poétique de Voltaire aurait été le même ; mais il n’aurait pas été un si grand poète, s’il n’eût point cultivé la physique, la philosophie, l’histoire. Ce n’est pas seulement en augmentant le nombre des idées que ces études étrangères sont utiles, elles perfectionnent l’esprit même, parce qu’elles en exercent, d’une manière plus égale, les diverses facultés.

Après avoir donné quelques années à la physique, Voltaire consulta sur ses progrès Clairaut, qui eut la franchise de lui répondre qu’avec un travail opiniâtre il ne parviendrait qu’à devenir un savant médiocre, et qu’il perdrait inutilement pour sa gloire un temps dont il devait compte à la poésie et à la philosophie. Voltaire l’entendit, et céda au goût naturel qui, sans cesse, le ramenait vers les lettres, et au vœu de ses amis qui ne pouvaient le suivre dans sa nouvelle carrière. Aussi, cette retraite de Cirey ne fut-elle point tout entière absorbée par les sciences.

C’est là qu’il fit Alzire, Zulime, Mahomet ; qu’il acheva ses Discours sur l'homme ; qu’il écrivit l'His-