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SUR VOLTAIRE.


gile ; car il est si contraire à l’Église romaine, que je ne peux pas croire que l’un et l'autre aient été inspirés par le même esprit. »

Le pape lui écrivit un jour une lettre remplie de louanges sur la sagesse de son ministère ; le pape finissait sa lettre comme un bon pasteur, par prier Dieu qu’il ramenât sa brebis égarée, et conjurait le duc de Sully de se servir de ses lumières pour entrer dans la bonne voie. Le duc lui répondit sur le même ton ; il l’assura qu’il priait Dieu tous les jours pour la conversion de Sa Sainteté. Celte lettre est dans ses Mémoires.

Ce sont les écrivains qui font la réputation des ministres. Pour les bien juger, il faudrait, non-seulement connaître les principes de l’administration, mais encore avoir lu les lois, les règlements que ces ministres ont faits, et savoir quelle a été l’influence de ces lois, de ces règlements sur la nation entière, sur les différentes provinces. Presque personne ne prend cette peine, el on juge les ministres sur la parole des historiens ou des écrivains politiques.

Sully et Colbert en sont un exemple frappant. Sous le règne de Louis XIV, les gens de lettres français étaient en général plongés dans une ignorance profonde sur tout ce qui regardait l’administration d’un État ; et les hommes qui se mêlaient d’affaires étaient hors d’étal d’écrire deux phrases qu’on pût lire. Le système tourna vers ces objets les esprits des hommes de tous les ordres. On s’occupa beaucoup de commerce ; et comme Colbert avait fait un grand nombre de règlements sur les manufactures, comme