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NOTES


La jalousie d’Iphigénie, causée par le faux rapport d’Arcas, et qui occupe la moitié du second acte, paraît trop étrangère au sujet et trop peu tragique.

On pourrait observer aussi que, dans une tragédie où un père veut immoler sa fille pour faire changer le vent, à peine aucun des personnages ose s’élever contre cette atroce absurdité. Clytemnestre seule prononce ces deux vers :

Le ciel, le juste ciel, par le meurtre honoré,
Du sang de l’innocence est-il donc altéré ?

Mais ces vers sont encore affaiblis par ce qui les précède et ce qui les suit :

Un oracle cruel ordonne qu’elle expire :
Un oracle dit-il tout ce qu’il semble dire ?.
Le ciel, le juste ciel, par le meurtre honoré,
Du sang de l’innocence est-il donc altéré ?
Si du crime d’Hélène ou poursuit sa famille,
Faites chercher dans Sparte Hermione sa fille.

Hermione n’était-elle pas aussi innocente qu’Iphigénie ? Clytemnestre ne pouvait-elle défendre sa fille qu’en proposant d’assassiner sa nièce ? Mais Racine, en condamnant les sacrifices humains, eût craint de manquer de respect à Abraham et à Jephté. Il imita Euripide, dira-t-on. Mais Euripide craignait de s’exposer au sort de Socrate, s’il attaquait les oracles et les sacrifices ordonnés au nom des Dieux ; ce n’est point pour se conformer aux mœurs du siècle de la guerre de Troie, c’est pour ménager les préjugés du sien, que l’ami et le disciple de Socrate n’osa mettre