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SUR VOLTAIRE.


sonne n’avait d’opinion précise ou bien arrêtée, et auxquelles le plus grand nombre n’avait jamais pensé, occupèrent bientôt tous les esprits, el chacun prit ou garda l’opinion qu’il crut la plus vraie.

Les hommes ne changèrent pas d’opinion, comme on le croit communément, mais chacun en adopta une, ou garda celle qu’il avait auparavant, sans savoir que ses voisins en eussent une autre.

Il eût été facile aux princes d’étouffer ces disputes, en ne paraissant point y attacher d’importance, et de faire le bien de leurs peuples en augmentant leur puissance et leurs propres richesses par la destruction des abus. L’indépendance de leur couronne et de leur personne assurée, tant d’ecclésiastiques inutiles rendus à la population et au travail, les biens de l’Église réunis au domaine de l’État, le peuple délivré de l’impôt qui se levait sur lui en frais de culte, en aumônes aux moines, en fêtes, en pèlerinages, en achat de dispenses ou d’indulgences ; la superstition bannie avec la férocité, l’ignorance et la corruption, qui en sont les suites ; que d’avantages pour les souverains très-peu riches de provinces dépeuplées, sans industrie et sans culture ! Il n’eût fallu que vouloir : on n’eût trouvé dans les peuples, au premier moment, que de l’horreur pour les scandales et les extorsions du clergé, el de l’indifférence pour les dogmes. Cela est si vrai, que tous les princes qui ont voulu se séparer de Rome et réformer leur clergé, y ont réussi. La fausse politique de Charles V et de François Ier empêcha la révolution d’être générale et paisible. Ils ne songèrent qu’à l’intérêt qu’ils