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NOTES


princes peuvent-ils balancer ceux de la Divinité même ? La paix temporelle mérite-t-elle d’être achetée aux dépens de la foi ? il n’est pas question ici d’accorder à des particuliers le droit dangereux de se révolter ; il existe un tribunal régulier qui prononce si le prince a mérité ou non de perdre ses droits ; ainsi, les objections qu’on fait contre le droit de résistance soutenu par plusieurs publicistes, les restrictions qui rendent ce droit, pour ainsi dire, nul dans la pratique, ne peuvent s’appliquer à celui de se révolter contre un prince hérétique.

Je sais que les partisans de l’intolérance religieuse ont soutenu, suivant leurs intérêts, tantôt les maximes séditieuses, tantôt les maximes contraires. Mais, entre deux opinions opposées, soutenues, suivant les circonstances, par un même corps, celle qui s’accorde avec ses principes constants ne doit-elle pas être regardée comme sa vraie doctrine ? Cette proposition : Tout prince doit employer sa puissance pour détruire l’hérésie ; et celle-ci : Toute nation a droit de se soulever contre un prince hérétique, sont les conséquences d’un même principe. Il faut, si l’on veut raisonner juste, ou les admettre, ou les rejeter ensemble. Tout ce qu’on a dit pour prouver que des prêtres intolérants peuvent être de bons citoyens, se réduit à un pur verbiage : faire jurer à un prince d’exterminer les hérétiques, c’est lui faire jurer, en termes équivalents, qu’il se soumet à être dépouillé de son trône, si lui-même devient hérétique.

L’intérêt des princes a donc été, non de chercher à régler la religion, mais de séparer la religion de