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VIE DE VOLTAIRE.

phiques. Il trouvait qu’un chancelier de France ne devait pas souffrir qu’un philosophe anglais, à peine chrétien, l'emportât sur un Fiançais qu’on supposait orthodoxe. D’Aguesseau avait une mémoire immense ; une application continue l’avait rendu très-profond dans plusieurs genres d’érudition ; mais sa tête, fatiguée à force de recevoir et de retenir les opinions des autres, n’avait la force, ni de combiner ses propres idées, ni de se former des principes fixes et précis. Sa superstition, sa timidité, son respect pour les usages anciens, son indécision, rétrécissaient ses vues pour la réforme des lois, et arrêtaient son activité. Il mourut après un long ministère, ne laissant à la France que le regret de voir ses grandes vertus demeurées inutiles, et ses rares qualités perdues pour la nation.

Sa sévérité pour les éléments de la philosophie de Newton n’est pas la seule petitesse qui ait marqué son administration de la librairie : il ne voulait pas donner de privilèges pour les romans ; et il ne consentit à laisser imprimer Cléveland qu’à condition que le héros changerait de religion.

Voltaire se livrait en même temps à l’étude de la physique, interrogeait les savants dans tous les genres, répétait leurs expériences, ou en imaginait de nouvelles.

Il concourut pour le prix de l’Académie des sciences, sur la nature et la propagation du feu ; prit pour devise ce distique qui, par sa précision et son énergie, n’est pas indigne de l’auteur de la Henriade :

Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem,
Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit.