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NOTES


nouvelle capitale, au moyen des étrangers appelés dans son empire, un peuple commerçant, industrieux et jouissant de la liberté civile.

La troisième cause de la barbarie des Russes était l’ignorance. Il sentit qu’il ne pouvait rendre sa nation puissante qu’en l’éclairant, et ce fut le principal objet de ses travaux ; c’est en cela surtout qu’il a montré un véritable génie : on ne peut assez s’étonner de voir Rousseau lui reprocher de ne s’être pas borné à aguerrir sa nation ; et il faut avouer que le Russe, qui, en 1700, devina l’influence des lumières sur l’état politique des empires, et sut apercevoir que le plus grand bien qu’on puisse faire aux hommes, est de substituer des idées justes aux préjugés qui les gouvernent, a eu plus de génie que le Genevois, qui, en 1750, a voulu nous prouver les grands avantages de l’ignorance.

Lorsque Pierre monta sur le trône, la Russie était à peu près au même état que la France, l’Allemagne et l’Angleterre au XIe siècle. Les Russes ont fait, en quatre-vingts ans que les vues de Pierre ont été suivies, plus de progrès que nous n’en avons fait en quatre siècles ; n’est-ce pas une preuve que ces vues n’étaient pas celles d’un homme ordinaire ?

Quant à la prophétie sur les conquêtes futures des Tartares, Rousseau aurait du observer que les Barbares n’ont jamais battu les peuples civilisés, que lorsque ceux-ci ont négligé la tactique, et que les peuples nomades sont toujours trop peu nombreux pour être redoutables à de grandes nations qui ont des armées. Il est différent de détrôner un despote