temps où il a vécu. Si Rousseau, en disant que
Pierre Ier n’a pas eu le vrai génie, a voulu dire que ce prince n’a point créé les principes de la législation et de l’administration publique, principes absolument ignorés alors en Europe, un tel reproche
ne nuit point à sa gloire. Le czar vit que ses soldats
étaient sans discipline, et il leur donna celle des nations de l’Europe les plus belliqueuses. Ses peuples
ignoraient la marine, et en peu d’années il créa une
flotte formidable. Il adopta pour le commerce les
principes des peuples qui alors passaient pour les
plus éclairés de l’Europe. Il sentit que les Russes ne
différaient des autres Européens que par trois causes :
la première était l’excessif pouvoir de la superstition
sur les esprits, et l’influence des prêtres sur le gouvernement et sur les sujets ; le czar attaqua la superstition dans sa source, en détruisant les moines par le moyen le plus doux, celui de ne permettre les
vœux qu’à un âge où tout homme qui a la fantaisie
de les faire est à coup sûr un citoyen inutile.
Il soumit les prêtres à la loi, et ne leur laissa qu’une autorité subordonnée à la sienne, pour les objets de l’ordre civil, que l’ignorance de nos ancêtres a soumis au pouvoir ecclésiastique.
La seconde cause qui s’opposait à la civilisation de la Russie, était l’esclavage presque général des paysans, soit artisans, soit cultivateurs ; Pierre n’osa directement détruire la servitude, mais il en prépara la destruction, en formant une armée qui le rendait indépendant des seigneurs de terre, et le mettait en état de ne les plus craindre, et en créant dans sa