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SUR VOLTAIRE.


Charles II, et les fautes du ministère de Philippe V lui donnèrent des forces. Il était impossible qu’il n’y eut des cabales dans la cour d’un roi étranger à l’Espagne, jeune, incapable de gouverner par lui-même ; et il était impossible d’empêcher ces cabales de dégénérer en conspirations et en partis. Peut-être cependant eût-on prévenu les suites funestes de ces cabales, si, au lieu d’abandonner son petit-fds aux intrigues de la princesse des Ursins, des ambassadeurs de France, des Français employés à Madrid, des ministres espagnols, Louis XIV lui eût donné pour guide un homme capable à la fois d’être ambassadeur, ministre et général ; assez supérieur à tous les préjugés pour n’en blesser aucun inutilement ; assez au-dessus de la vanité pour ne faire aucune parade de son pouvoir, et se borner à être utile en secret ; assez modeste pour cacher à la haine des Espagnols pour les étrangers le bien qu’il ferait à leur pays ; un homme, enfin, dont le nom respecté dans l’Europe en imposât à la jalousie nationale. Cet homme existait en France ; mais madame de Mani tenon trouvait qu’il n’avait pas une véritable piété.

La nation castillane montra un attachement inébranlable pour Philippe V. Lorsque les troupes de l’archiduc traversèrent la Castille, elles la trouvèrent presque déserte : le peuple fuyait devant elles, cachait ses vivres, pour n’être pas obligé de leur en vendre. Les soldats qui s’écartaient étaient tués par les paysans. Les courtisanes de Madrid se rendirent en foule au camp des Anglais et des Allemands, dans l’intention d’y répandre le poison que les compa-