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NOTES


OBJETS.


Sur la manière dont un être borné au sens de la vue pourrait voir les objets[1].


Il est très-vraisemblable qu’un être borné au sens de la vue parviendrait d’abord à voir les objets comme placés sur un même plan, mais avec l’étendue et les contours qu’ils ont sur ce plan, puisque c’est là le seul moyen d’ordonner entre elles les sensations successives qu’il éprouverait : ce fableau ne lui paraîtrait pas distinct au premier instant, mais il apprendrait, par l’habitude, à distinguer les objets et à les placer. Par la même raison, du moment où il aura une idée de l’espace et du mouvement rapportés à ce plan, pourquoi, en ordonnant ses sensations successives, en voyant le même objet devenir plus visible, occuper plus d’espace sur ce plan, et couvrir successivement d’autres objets, ou bien occuper moins d’espace, faire une impression moins forte, et découvrir peu à peu de nouveaux objets, ne pourrait-il pas se former une idée de l’espace en tous sens, et y ordonner tous les objets qui frappent ses regards ? Sans doute ses idées d’étendue, de distance, ne seraient pas rigoureusement les mêmes que les nôtres, puisque le sens du toucher n’aurait pas contribué à les former ; sans doute ses jugements sur le lieu, la forme, la distance, seraient plus souvent erronés que les nôtres, parce qu’il n’aurait pu

  1. Voltaire, tome XXIX, page. 118.