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SUR VOLTAIRE.


peuples, qui ont une idée plus ou moins étendue de ce qui constitue les droits de l’homme et du citoyen.

Or il est difficile, en admettant cette explication, de deviner pourquoi il faut qu’il y ait dans une monarchie un corps d’hommes jouissant de privilèges héréditaires. Les privilèges sont une charge de plus pour le peuple, un découragement pour tout homme de mérite qui ne fait point partie de ce corps. M. de Montesquieu pouvait-il croire que, dans un pays éclairé, un homme sans noblesse, mais ayant de l’éducation, n’aurait pas autant de noblesse d’âme, d’horreur pour les bassesses, qu’un gentilhomme ? Croyait-il que la connaissance des droits de l’humanité ne donne pas autant d’élévation que celle des prérogatives de la noblesse ? Ne vaudrait-il pas mieux cherchera donner aux âmes des hommes de tous les états plus d’énergie, que de vouloir conserver dans celles des nobles quelques restes de l’orgueil de leur ancienne indépendance ? Ne serait-il point plus utile au peuple d’une monarchie, de chercher les moyens d’y établir un ordre plus simple, au lieu d’y conserver soigneusement les restes de l’anarchie ?

Il est sûr que dans toute monarchie modérée, où les propriétés sont assurées, il y aura des familles qui, ayant conservé des richesses, occupé des places, rendu des services pendant plusieurs générations, obtiendront une considération héréditaire. Mais il y a loin de là à la noblesse, à ses exemptions, à ses prérogatives, aux chapitres nobles, aux tabourets, aux cordons, aux certificats des généalogistes, à