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VIE DE VOLTAIRE.

fiscations y rendait les richesses aussi dangereuses par elles-mêmes, que la gloire ou la faveur populaire. L’immensité de l’empire romain, et la petitesse des républiques grecques, empêchaient également de soustraire à ses ennemis ses richesses et sa personne. La différence des mœurs entre les nations voisines, l’ignorance presque générale de toute langue étrangère, une moins grande communication entre les peuples, étaient autant d’obstacles au changement de patrie.

D’un autre côté, les anciens connaissaient moins ces aisances de la vie, nécessaires parmi nous à tous ceux qui ne sont pas nés dans la pauvreté. Leur climat les assujettissait à moins de besoins réels, et les riches donnaient plus à la magnificence, aux raffinements de la débauche, aux excès, aux fantaisies, qu’aux commodités habituelles et journalières. Ainsi, en même temps qu’il leur était à la fois plus facile d’être pauvres, et plus difficile d’être riches sans danger, les richesses n’étaient pas chez eux, comme parmi nous, un moyen de se soustraire à une oppression injuste.

Ne blâmons donc point un philosophe d’avoir, pour assurer son indépendance, préféré les ressources que les mœurs de son siècle lui présentaient, à celles qui convenaient à d’autres mœurs et à d’autres temps.

Voltaire avait hérité de son père et de son frère une fortune honnête ; l’édition de la Henriade, faite à Londres, l’avait augmentée ; des spéculations heureuses dans les fonds publics y ajoutèrent encore :