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SUR VOLTAIRE.


aucune action cruelle. On assure que, malgré la fureur théologique qui règne dans ses ouvrages, il était un bon homme dans son intérieur, d’un caractère franc, d’une société paisible : sa haine pour les sacramentaires se bornait à les chasser des universités et du ministère, et c’est bien peu de chose pour le siècle où il a vécu.

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LUXE [1].


Si l’on entend par luxe tout ce qui est au delà du nécessaire, le luxe est une suite naturelle des progrès de l’espèce humaine ; et, pour raisonner conséquemment, tout ennemi du luxe doit croire avec Rousseau que l’état de bonheur et de vertu pour l’homme est celui, non de sauvage, mais d’orang-outang. On sent qu’il serait absurde de regarder comme un mal des commodités dont tous les hommes jouiraient : aussi ne donne-t-on, en général, le nom de luxe qu’aux superfluités, dont un petit nombre d’individus seulement peuvent jouir. Dans ce sens, le luxe est une suite nécessaire de la propriété, sans laquelle aucune société ne peut subsister, et d’une grande inégalité entre les fortunes, qui est la conséquence, non du droit de propriété, mais des mauvaises lois. Ce sont donc les mauvaises lois qui font naître le luxe, et ce sont les bonnes lois qui peuvent le détruire. Les moralistes doivent adresser

  1. Voltaire, tome XLI, p. 506.