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SUR VOLTAIRE.


sur ses yeux. Il croyait que l’on n’était huguenot de bonne foi que faute d’être instruit, et la bassesse de ses courtisans qui, en vendant leur conscience, faisaient semblant de se convertir par conviction, l’affermissait dans cette idée.

Ses ministres semblaient choisir les moyens les plus sûrs pour forcer les protestants à la révolte : on joignait l’insulte à la violence, on outrageait les femmes, on enlevait les enfants à leurs pères. On semblait se plaire à les irriter, à les plonger dans le désespoir par des lois souvent opposées, mais toujours oppressives, qu’on faisait succéder de mois en mois. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait eu parmi les protestants des fanatiques, et que ce fanatisme ait à la fin produit des révoltes. Elles éclatèrent dans les Cévennes, pays alors impraticable, habité par un peuple à demi sauvage, qui n’avait jamais été subjugué ni par les lois, ni par les mœurs ; livré à un intendant violent par caractère, inaccessible à tout sentiment d’humanité, mêlant le mépris et l’insulte à la cruauté, dont l’âme trouvait un plaisir barbare dans les supplices longs et recherchés, et qui, instrument ambitieux et servile du despotisme et de la superstition de son maître, voulait mériter par des meurtres et par l’oppression d’une province, l’honneur d’opprimer en chef la nation.

Quel fut le huit des persécutions de Louis XIV ? Une foule de ses meilleurs sujets emportant, dans les pays étrangers, leurs richesses et leur industrie ; les armées de ses ennemis, grossies par des régiments français, qui joignaient les fureurs du fanatisme et