Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/48

Cette page n’a pas encore été corrigée
34
VIE DE VOLTAIRE.

vrage, est une extrémité qui répugne également à la conscience et à la noblesse du caractère ; mais le crime est pour les hommes injustes qui rendent ce désaveu nécessaire à la sûreté de celui qu’ils y forcent. Si vous avez érigé en crime ce qui n’en est pas un, si vous avez porté atteinte, par des lois absurdes ou par des lois arbitraires, au droit naturel qu’ont tous les hommes, non-seulement d’avoir une opinion, mais de la rendre publique, alors vous méritez de perdre celui qu’a chaque homme d’entendre la vérité de la bouche d’un autre, droit qui fonde seul l’obligation rigoureuse de ne pas mentir. S’il n’est pas permis de tromper, c’est parce que tromper quelqu’un, c’est lui faire un tort, ou s’exposer à lui en faire un ; mais le tort suppose un droit, et personne n’a celui de chercher à s’assurer les moyens de commettre une injustice.

Nous ne disculpons point Voltaire d’avoir donné son ouvrage à l’abbé de Chaulieu ; une telle imputation, indifférente en elle-même, n’est, comme on sait, qu’une plaisanterie. C’est une arme qu’on donne aux gens en place, lorsqu’ils sont disposés à l’indulgence sans oser en convenir, et dont ils se servent pour repousser les persécuteurs plus sérieux et plus acharnés.

L’indiscrétion avec laquelle les amis de Voltaire récitèrent quelques fragments de la Pucelle, fut la cause d’une nouvelle persécution. Le garde des sceaux menaça le poëte d’un cul de basse-fosse, si jamais il paraissait rien de cet ouvrage. A une distance du temps où ces tyrans subalternes, si bouffis d’une