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NOTES


loger à sa fantaisie ; en un mot, de faire de sa propriété l’usage qu’il veut en faire, pourvu que cet usage ne biesse le droit de personne.

Les lois somptuaires ont été très-communes chez les nations anciennes ; elles eurent pour cause l’envie que les citoyens pauvres portaient aux riches, ou la politique des riches mêmes qui ne voulaient pas que les hommes de leur parti dissipassent en frivolités des richesses qu’on pouvait employer à l’accroissement de la puissance commune. Les anciens, qui, dans plusieurs de leurs institutions politiques, ont montré une sagacité et une profondeur de vues que nous admirons avec raison, ignoraient les vrais principes de la législation, et comptaient pour rien la justice. Ils croyaient que la volonté publique a droit d’exiger tout des individus et de les soumettre à tout ; opinion fausse, dangereuse, funeste aux progrès de la civilisation et des lumières, et qui ne subsiste encore que trop parmi nous.

L’histoire a prouvé que toutes les lois somptuaires des anciens et des modernes ont été partout, après un temps très-court, abolies, éludées ou négligées ; la vanité inventera toujours plus de manières de se distinguer que les lois n’en pourront défendre.

Le seul moyen permis d’attaquer le luxe par les lois, et en même temps le seul qui soit vraiment efficace, est de chercher à établir la plus grande égalité entre les fortunes, par le partage égal des successions, la destruction, ou la restriction du droit de tester, la liberté de toute espèce de commerce et d’industrie ; et ces lois sont précisément celles que, in-