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VIE DE VOLTAIRE.

vention de imprimerie ; mais il est des gens auxquels il faut plus de trois siècles pour commencer à s’apercevoir d’une absurdité.

Toute cette persécution s’exerçait dans le temps même où les miracles du diacre Pâris et ceux du père Girard couvraient les deux partis de ridicule et d’opprobre. Il était juste qu’ils se réunissent contre un homme qui osait prêcher la raison. On alla jusqu’à ordonner des informations contre l’auteur des Lettres philosophiques. Le garde des sceaux fit exiler Voltaire, qui, alors absent, fut averti à temps, évita les gens envoyés pour le conduire au lieu de son exil, et aima mieux combattre de loin et d’un lieu sûr. Ses amis prouvèrent qu’il n’avait pas manqué à sa promesse de ne point publier ses Lettres en France, et qu’elles n’avaient paru que par l’infidélité d’un relieur. Heureusement le garde des sceaux était plus zélé pour son autorité que pour la religion, et beaucoup plus ministre que dévot. L’orage s’apaisa, et Voltaire eut la permission de reparaître à Paris.

Le calme ne dura qu’un instant. L'Épître à Uranie, jusqu’alors renfermée dans le secret, fut imprimée ; et, pour échapper à une persécution nouvelle, Voltaire fut obligé de la désavouer et de l’attribuer à l’abbé de Chaulieu, mort depuis plusieurs années. Cette imputation lui faisait honneur comme poète, sans nuire à sa réputation de chrétien [1].

La nécessité de mentir pour désavouer un ou-

  1. Voyez les Œuvres de Chaulieu.