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NOTES


LALLY (LE GÉNÉRAL) [1].


Les ennemis du comte de Lally avaient tellement excité la haine contre lui, qu’un bruit, vrai ou faux, s’étant répandu que le parlement avait envoyé au roi une députation pour le prier de ne point accorder de grâce, personne ne parut s’étonner d’une démarche qui, faite par des juges contre un homme qu’ils viennent de condamner, serait un aveu de leur partialité ou de leur corruption. On a dit aussi que la crainte de voir cet acte de la justice et de la bonté du roi empêcher une mort devenue nécessaire à l’existence et à la fortune des ennemis de Lally, avait fait accélérer l’exécution, et que ce fut cette raison qui fit négliger, à son égard, toute espèce de bienséance ; mais on ne peut le croire sans accuser ceux qui présidaient à l’exécution d’être les complices des calomniateurs de Lally. D’autres ont aussi prétendu qu’on avait voulu le punir, par cette humiliation, d’avoir cherché à se tuer. Cette idée est absurde ; on ne peut soupçonner des magistrats d’une superstition aussi cruelle que honteuse. Le fait du bâillon n’est que trop vrai ; mais personne, dès le lendemain de l’exécution, n’osa s’avouer l’auteur de cet abominable raffinement de barbarie. Dans un pays où les lois seraient respectées, un homme capable d’ajouter à la sévérité d’un supplice prononcé par un arrêt, serait sévèrement puni, et l’impunité de ceux qui ont donné l’ordre du bâillon est un oppro-

  1. Voltaire, tome XXVI, p. 459.