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SUR VOLTAIRE.


LACÉDÉMONE [1].


Lacédémone n’évita le luxe qu’en conservant la communauté ou l’égalité des biens ; mais elle ne conserva l’un ou l’autre qu’en faisant cultiver les terres par un peuple esclave. C’était la législation du couvent de Saint-Claude ; à cela près que les moines ne se permettaient point d’assassiner ni d’assommer leurs mainmortables. L’existence de l’égalité ou de la communauté des biens suppose celle d’un peuple esclave. Les Spartiates avaient de la vertu, comme les voleurs de grand chemin, comme les inquisiteurs, comme toutes les classes d’hommes que l’habitude a familiarisés avec une espèce de crimes, au point de les commettre sans remords.

[2] L’histoire des Lacédémoniens ne commence à être un peu certaine que vers la guerre de Xerxès ; et on ne voit alors qu’un peuple intrépide, à la vérité, mais féroce et tyrannique. Il est bien vraisemblable qu’il en est des beaux siècles de Lacédémone comme des temps de la primitive Église, de celui où tous les capucins mouraient en odeur de sainteté, de l’âge d’or, etc. D’ailleurs, il n’y a lien à répondre à la cruauté exercée contre les ilotes, et qui remonte à ces beaux siècles. On peut être fort ignorant, avoir beaucoup d’esprit, être tempérant, aimer jusqu’à la fureur sa liberté, ou l’agrandissement de sa république, et cependant être très-méchant et très-corrompu.

  1. Voltaire, tome XLI, p. 504.
  2. Voltaire, tome XXIX, p. 369.