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SUR VOLTAIRE.


son zèle et le contenir ; et cette révolution, faite par le peuple, s’exécute sans qu’il en coûte un seul homme. Peu de jours après, il sauve le roi, que le duc de Bourgogne voulait enlever, sous le prétexte de le mener à la chasse. Ainsi, au milieu d’un peuple révolté, de princes, de grands, accompagnés de troupes armées, agités par l’ambition et par la haine, un seul homme rétablit la paix, et tout lui obéit, sans qu’il ait d’autre force que celle que donne la vertu.

Le dauphin, Louis, fut à la tête des affaires, et Juvenel devint son chancelier. On déclara la guerre au duc de Bourgogne, à qui Juvenel avait eu la générosité de laisser la liberté lors du tumulte de Paris. On reprit sur lui tout le pays dont il s’était emparé, depuis Compiègne jusqu’à Arras. Le roi fit en personne le siège de cette ville ; et le duc de Bourgogne, battu en voulant la secourir, demanda la paix, en consentant de remettre Arras. Juvenel fit conclure cette paix. Ce fut le dernier service qu’il rendit à son pays. Il était chancelier du dauphin ; on lui présenta des lettres qui contenaient des dons excessifs, accordés par ce prince : il refusa de les sceller, et perdit sa place.

Lors de la prise de Paris par le duc de Bourgogne, Juvenel était dans la ville, attaché au parti du roi contre la cabale du duc ; il s’attendait à périr. Il était douteux même que le duc de Bourgogne, qui lui devait la vie, l’eût épargné. Jamais tyran, peut-être, n’a uni tant de fausseté, de noirceur et de férocité, et il est difficile de supposer qu’un mouvement de