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NOTES


JUVENEL DES URSINS (JEAN) [1].


Ce siècle d’horreur a cependant pi=roduit un magistrat dont la vie eût honoré des temps plus heureux. Il était de ce petit nombre d’hommes qui doivent leur vertu à leur conscience et à leur raison, et non aux opinions de leur siècle. C’est de Jean Juvenel des Ursins que nous parlons. Né sans fortune, il fut d’abord avocat (car, soit qu’il descendît réellement des Ursins d’Italie, soit que cette origine fût une fable, dont on a flatté depuis la vanité de ses enfants, il est certain qu’il subsista longtemps de cette profession) ; sa réputation de probité et de courage lui fit donner, par Charles VI, alors gouverné par des ministres vertueux, la place de prévôt des marchands, longtemps supprimée, et qu’on crut devoir rétablir. A peine revêtu de cette charge, il voit que des moulins, construits pai- les seigneurs, sur les rivières de Marne et de Seine, gênent la navigation ; la puissance de ces seigneurs, leur crédit dans le parlement, ne l’arrêtent point ; il sollicite un arrêt qui ordonne la destruction des moulins, et le remboursement de leur valeur au denier dix ; il l’obtient, parce qu’on espère faire naître des obstacles à l’exécution. Mais la nuit même, tous les moulins sont abattus, et la subsistance du peuple assurée. Pendant la première attaque de folie de Charles VI, les princes s’emparèrent du gouvernement ; on per-

  1. Voltaire, tome XVII, p. 343.