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VIE DE VOLTAIRE.


de donner à un élément de la matière la faculté de penser ; et c’était aller contre le privilège des théologiens, qui prétendent savoir à point nommé, et savoir seuls, tout ce que Dieu a pensé, tout ce qu’il a fait ou dû faire, depuis et même avant le commencement du monde.

Enfin, il y examinait quelques passages des Pensées de Pascal, ouvrage que les jésuites même étaient obligés de respecter malgré eux, comme ceux de saint Augustin : on fut scandalisé de voir un poëte, un laïque, oser juger Pascal, il semblait qu’attaquer le seul des défenseurs de la religion chrétienne qui eût, auprès des gens du monde, la réputation d’un grand homme, c’était attaquer la religion même, et que ses preuves seraient affaiblies, si le géomètre qui avait promis de se consacrer à sa défense était convaincu d’avoir souvent mal raisonné.

Le clergé demanda la suppression des Lettres sur les Anglais et l’obtint par un arrêt du conseil. Ces arrêts se donnent sans examen, comme une espèce de dédommagement du subside que le gouvernement obtient des assemblées du clergé, et une récompense de leur facilité à l’accorder. Les ministres oublient que l’intérêt de la puissance séculière n’est pas de maintenir, mais de laisser détruire, par les progrès de la raison, l’empire dont les prêtres ont si longtemps abusé avec tant de barbarie, et qu’il n’est pas d’une bonne politique d’acheter la paix de ses ennemis en leur sacrifiant ses défenseurs.

Le parlement brûla le livre, suivant un usage jadis inventé par Tibère, et devenu ridicule depuis l'in-