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NOTES

grossière peut leur procurer ; quoiqu’ils ne connaissent ni l’or, ni les métaux, ils ont porté assez loin l’adresse et l’intelligence dans tous les arts nécessaires. Ils aiment la danse, ont des instruments de musique, et même des pièces dramatiques ; ce sont des espèces de comédies où l’on joue les aventures scandaleuses arrivées dans le pays, comme dans ce qu’on appelle l’ancienne comédie grecque.

Ces hommes sont gais, doux et paisibles ; ils ont la même morale que nous, à cela près qu’ils ne partagent pas le préjugé qui nous fait regarder comme criminel ou comme déshonorant le commerce des deux sexes entre deux personnes libres.

Ils n’ont aucune espèce de culte, aucune opinion religieuse, mais seulement quelques pratiques superstitieuses relatives aux morts. On peut mettre aussi dans le rang des superstitions, le respect de quelques-uns de ces peuples pour une association de guerriers nommés Arréoi, qui vivent, sans rien faire, aux dépens d’autrui. Ces hommes n’ont pas de femmes, mais des maîtresses libres qui, lorsqu’elles deviennent grosses, se font un devoir de se faire avorter, et elles n’en partagent pas moins le respect que l’on a pour leurs amants. Ces superstitions semblent marquer le passage entre l’état de nature et celui où l’homme se soumet à une religion. Le crime de ces maîtresses des Arréoi ne contredit pas ce que nous avons dit de la morale de ces peuples ; les Phéniciens, les Carthaginois, les Juifs ont immolé des hommes à la Divinité, et n’en regardaient pas moins l’assassinat comme un crime.