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SUR VOLTAIRE.

Partout on a trouvé l'homme sauvage bon, mais implacable dans la vengeance. Les mêmes insulaires, qui mangèrent le capitaine Marion, après l’avoir attiré dans le piège par de longues démonstrations d’amitié, avaient pris le plus grand soin de quelques malades du vaisseau de M. de Surville ; mais cet officier, sous prétexte de punir l’enlèvement de son bateau, amène sur sa flotte le même chef qui avait généreusement reçu dans sa case nos matelots malades, et mit, en partant, le feu à plusieurs villages. Ces peuples s’en vengèrent sur le premier Européen qui aborda chez eux. Comme ils ne distinguent point encore les différentes nations de l’Europe, les Anglais ont quelquefois été punis des violences des Espagnols ou des Français, et réciproquement : mais les sauvages n’attaquent les Européens que comme les sangliers attaquent les chasseurs, quand ils ont été blessés.

Dans d’autres îles où la civilisation a fait plus de progrès, l’usage démanger de la chair humaine s’est aboli. Cet usage a même plusieurs degrés chez les peuplades les plus grossières : les uns mangent la chair des hommes comme une autre nourriture ; ils n’assassinent pas, mais ils font la guérie pour s’en procurer. D’autres peuplades n’en mangent qu’en cérémonie, et après la victoire.

Dans les îles où l’anthropophagie est détruite, la société s’est perfectionnée ; les hommes vivent de la pêche, de la chasse, des poules et des cochons qu’ils ont réduits à l’état de domesticité, des fruits et des racines que la terre leur donne, ou qu’une culture