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NOTES


mer. Si ce trait est vrai, Colbert avait bien vu ; mais il n’en est pas plus excusable, à moins qu’on n’établisse comme un principe de morale qu’il est permis à un ministre de faire le mal, lorsque ce mal lui est nécessaire pour conserver sa place.

Quant aux impôts, la forme la plus onéreuse au peuple fut constamment préférée. Le Code des aides, celui des gabelles, que Colbert publia, sont un monument d’absurdité et de tyrannie. Il est impossible de porter plus loin le mépris des hommes ; il est impossible que le ministre qui a écrit ce Code eût conservé quelques sentiments d’humanité ou de justice. Dans ses règlements sur les manufactures, on érigea en loi ce qui n’était que l’avis des fabricants habiles sur la manière de fabriquer, et on soumit à des peines corporelles et infamantes les ouvriers qui ne se conformeraient pas à ces opinions. Enfin, Colbert n’ayant plus d’expédients, imagina de faire une opération sur les petites monnaies, et de soumettre à des droits les denrées qui servent à la subsistance du petit peuple de Paris. Il mourut, et son enterrement fut troublé par la populace, que ces dernières opérations avaient révoltée, et qui voulait déchirer son corps.

Tel fut Colbert ; et nous n’avons rien dit qui ne soit prouvé, ou par l’histoire, ou par la suite même de ses lois. Comment donc cet homme eut-il une si grande réputation ? comment M. de Voltaire, l’ami de l’humanité, l’a-t-il appelé le premier des humains ? C’est ce qui nous reste à expliquer.

Colbert établit de la régularité dans la recette des