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SUR VOLTAIRE.

Pour juger un ministre, il faut examiner ses lois et ses opérations, les rapprocher des circonstances, de l’histoire de son temps, et surtout des lumières de ses contemporains. Si un homme d’État a montré de l’humanité et de la justice ; si, quoique gêné par les. circonstances et par les événements, il a eu le bonheur du peuple pour premier objet ; s’il a prouvé qu’il avait les mêmes lumières que les hommes éclairés de son siècle, on doit respecter sa mémoire, et lui pardonner de n’avoir été ni supérieur aux événements, ni au-dessus de ses contemporains.

Colbert, fils d’un marchand, d’abord commis d’un négociant, puis clerc de notaire, devint intendant du cardinal Mazarin. Fouquet avait été surintendant dans les dernières années de la vie du cardinal ; son administration était également onéreuse et corrompue.

Des traitants inventaient de nouveaux offices, de nouveaux droits sur les consommations, réveillaient d’anciennes prétentions domaniales, inventaient des privilèges exclusifs, des lettres de maîtrise ; faisaient revivre des arrérages d’impôts. Fouquet agréait ces projets, et en vendait le produit aux inventeurs moyennant une somme payée comptant. Le gouvernement, alors très-faible, protégeait peu ces traitants ; mais comme ils ne donnaient qu’une petite partie de la valeur de ce qu’on leur accordait, ils gagnaient encore beaucoup. Des parts dans les profits, ou une somme d’argent, décidaient de la préférence que le premier ministre et le surintendant accordaient aux faiseurs de projets. Ces emplois su-