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NOTES

Colbert fit précisément le contraire ; il multiplia les droits de toute espèce, prodigua les règlements en tout genre. Quelques artistes instruits lui ayant donné des mémoires sur la méthode de fabriquer différentes espèces de tissus, sur l’art de la teinture, etc., il imagina d’ériger en lois ce qui n’était que la description des procédés usités dans les meilleures manufactures ; comme s’il n’était pas de la nature des arts de perfectionner sans cesse leurs procédés ; comme si le génie d’invention pouvait attendre, pour agir, la permission du législateur ; comme si les produits des manufactures ne devaient pas changer, suivant les différentes modes de se vêtir, de se meubler ! On condamnait à des peines infamantes les ouvriers qui s’écarteraient des règlements établis pour fixer la largeur d’une étoffe, le nombre des fils de la chaîne, la nature de la soie, du fil qu’on devait employer ; et on a longtemps appelé ces règlements ridicules et tyranniques, une protection accordée aux arts. On doit pardonner à Colbert d’avoir ignoré des principes inconnus de son temps, et même longtemps après lui ; mais ces condamnations rigoureuses, cette tyrannie qui érige en crimes des actions légitimes en elles-mêmes, ne peuvent être excusées.


[1] Les opinions sur Colbert sont si opposées entre elles, ses admirateurs l’ont placé si haut, ses détracteurs l’ont ensuite tant rabaissé, qu’il n’existe peut-être pas un seul livre où il soit mis à sa véritable place.

  1. Voltaire, tome X, p. 254.