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VIE DE VOLTAIRE.


parce qu’il offre de grands tableaux historiques, et qu’enfin c’est celui qu’on peut employer avec plus de succès à élever l’âme et à la former. On doit, sans doute, placer au premier rang les poëmes qui, comme Mahomet, comme Alzire, sont à la fois des tragédies intéressantes ou terribles, et de grands tableaux ; mais ces sujets sont très-rares, et ils exigent des talents que Voltaire seul a réunis jusqu’ici.

On ne voulut point permettre d’imprimer la Mort de César. On fit un crime à l’auteur des sentiments républicains répandus dans sa pièce ; imputation d’autant plus ridicule, que chacun parle son langage, que Brutus n’en est pas plus le héros que César ; que le poëte, dans un genre purement historique, en traçant ses portraits d’après l’histoire, en a conservé l’impartialité. Mais, sous le gouvernement à la fois tyrannique et pusillanime du cardinal de Fleury, le langage de la servitude était le seul qui pût paraître innocent.

Qui croirait aujourd’hui que l'Élégie sur la mort de mademoiselle le Couvreur ait été pour Voltaire le sujet d’une persécution sérieuse qui le força de quitter la capitale, où il savait qu’heureusement l’absence fait tout oublier, même la fureur de persécuter ?

Les théâtres sont une institution vraiment utile ; c’est par eux qu’une jeunesse inappliquée et frivole conserve encore quelque habitude de sentir et de penser, que les idées morales ne lui deviennent point absolument étrangères, que les plaisirs de l’esprit existent pour elle. Les sentiments qu’excite la repré-