Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée
341
SUR VOLTAIRE.


de guerre, ni ses provinces, de favoriser sa timidité naturelle, qui l’empêchait de parler à ses sujets ou aux étrangers.

Quelques mois après, on transporta le roi Victor à Moncarlier. Revole était placé sur le grand chemin de France à Rome, à la vue du palais de Turin, dans les campagnes où le roi chassait tous les jours. Un étranger que le roi Victor avait traité avec cette affabilité franche, qui plaît tant dans les rois, fut le seul qui osât s’intéresser à son infortune ; il fit sentir à d’Orméa combien toutes ces circonstances rendaient plus odieuse encore la prison de ce malheureux prince. On lui rendit sa femme, à qui d’Orméa défendit, sous peine de la vie, d’avouer qu’elle eût été enfermée au château de Ceva. Il mourut la même année. Dans ses derniers jours, il demandait à voir son fils, promettant de ne lui faire aucun reproche. D’Orméa eut le crédit d’empêcher une entrevue qui pouvait le perdre, en apprenant au roi que toute cette horrible catastrophe était l’ouvrage de son ministre. Telle fut la fin de Victor-Amédée, victime d’un sujet qu’il avait comblé de biens. Les malheurs du père et du fils doivent apprendre aux princes à quels levers, à quels crimes involontaires ils s’exposent, lorsque, plus frappés des talents que de la probité, ils comptent la vertu pour rien dans le choix de ceux qu’ils élèvent aux grandes places.

Nous avons cru ces détails intéressants ; c’est, d’ailleurs, un devoir de détruire des calomnies accréditées, même contre la mémoire des morts. On avait accusé Victor d’inconstance, sa femme d’ambition,