Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée
340
NOTES


la défense de son grand-père ; il se serait couvert de gloire en marchant lui-même à son secours à la tête d’une armée. La nation eût applaudi à cette guerre ; l’Europe eût respecté ses motifs. Comment le roi Charles, sans alliés au milieu d’un peuple qui avait cessé de haïr un prince malheureux et ne se souvenait plus que de sa prison, ne pouvant compter ni sur ses troupes, ni sur les commandants de ses places, ni sur la noblesse, eût-il pu résister aux premières nouvelles de la résolution de son neveu ? Il eût vu l’abîme où l’ingratitude et la scélératesse d’Orméa l’avaient plongé ; et cette victime immolée à son père eût rétabli la paix et lui eût rendu sa gloire.

Le cardinal de Fleury n’avait qu’une politique faible ou machiavélisme ; le garde des sceaux Chauvelin n’avait point un génie plus élevé. Ils ne furent frappés que de la crainte d’obliger le roi Charles de s’unir avec l’empereur. La nature, le devoir, l’honneur furent sacrifiés à un intérêt qui même n’existait pas, et ils portèrent la pusillanimité jusqu’à ne pas oser faire demander, au nom du roi de France, qu’on adoucît la prison de son grand -père, tandis que le roi Charles et ses deux ministres étaient dans les plus grandes inquiétudes sur le parti que la France pourrait prendre.

Fleury avait peut-être des motifs plus personnels ; il craignait de rapprocher Louis XV de son aïeul : il n’ignorait pas que Victor-Amédée blâmait sa conduite ; le soin qu’il avait d’éloigner le roi des affaires, de ne lui laisser voir, ni ses troupes, ni ses places