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NOTES


ALBÉROM (LE CARDINAL),


MINISTRE D'ESPAGNE [1].


C’est à ce ministre que l’Espagne doit la conservation du tribunal de l’inquisition, et de cette foule de prérogatives tyranniques ou séditieuses qui, sous le nom d’immunités ecclésiastiques, ont changé en couvents et en déserts le pays de l’Europe le plus beau et le plus fertile, et ont rendu inutiles cette force d’âme et cette sagacité naturelle qui ont toujours formé le caractère et l’esprit de la nation espagnole.

Macanaz, fiscal du conseil de Castille, avait présenté un mémoire à Philippe V, sur la nécessité de diminuer les énormes abus de ces immunités ecclésiastiques. Le cardinal Guidice, grand-inquisiteur et ambassadeur en France, ayant une copie de ce mémoire, qu’un ministre lui avait confiée, trahit son prince et la remit à un inquisiteur. Le saint office rendit un décret contre le mémoire, et Guidice confirma ce décret par son approbation.

Cet excès d’insolence devait faire détruire l’inquisition et perdre Guidice. Qu’espérer pour un pays dans lequel un mémoire, présenté au souverain, peut être condamné et flétri par un tribunal, où les avis qu’un citoyen, qu’un ministre croit devoir donner au prince, sont poursuivis comme un crime ?

  1. Voltaire, tome XXII, p. 8.