Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée
325
SUR VOLTAIRE.


ACTIONS HUMAINES (SUR LA LIBERTÉ DES) [1].


Quelque parti que l’on prenne sur celle question épineuse, il est impossible de ne pas convenir que, dans les actions qu’on appelle libres, l’homme a la conscience des motifs qui le font agir. Il peut donc connaître quelles actions sont conformes à la justice, à l’intérêt général des hommes, et les motifs qu’il peut avoir de faire ces actions, et d’éviter celles qui y sont contraires. Ces motifs agissant sur lui, il y a donc une morale. L’espoir des récompenses, la crainte des peines, sont au nombre de ces motifs : ces sentiments peuvent donc être utiles ; les peines et les récompenses peuvent donc être justes. S’il a cédé à un motif injuste, il en sera fâché, lorsque ce motif cessera d’agir avec la même force ; il se repentira donc, il aura des remords. Il croira, qu’averti par son expérience, ce motif n’aura plus le pouvoir de l’entraîner une autre fois ; il se promettra donc de ne plus retomber. Ainsi, quelque système que l’on prenne sur la liberté, sans excepter le fanatisme le plus absolu, les conséquences morales seront les mêmes. En effet, suivant le fanatisme, tout homme était prédéterminé à faire toutes les actions qu’il a faites ; mais lorsqu’il se détermine, il ignore à laquelle des deux actions qu’il se propose il doit se déterminer ; il sait seulement que c’est à celle pour laquelle il croira voir des motifs plus puissants.

  1. Voltaire, tome XXXI, p. 50.
    Séparateur