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NOTES


fortune, de nos plaisirs, de nos affections, de notre repos, de notre réputation, de la paix de notre conscience, de notre salut, nous détermine toujours.

Il peut arriver que, dans une nation, la plus grande partie des hommes soit conduite principalement par l’un de ces intérêts dans leurs actions relatives à l’ordre de la société. Ainsi dans un pays comme l’Angleterre, par exemple, la jouissance des droits des hommes, que les Anglais font consister dans la sûreté personnelle de n’être jugés que par des jurés et de ne pouvoir être gardés en prison en vertu d’ordres arbitraires ; dans la sûreté des propriétés, le droit de s’assembler paisiblement et de prendre des résolutions en commun ; dans la liberté de la presse, la tolérance, le droit de n’être imposés que par l’aveu d’un corps dont la nation choisit les membres : cette jouissance, dis-je, est l’intérêt dominant de tout Anglais. A Genève, où tous les citoyens sont rassemblés dans une seule ville, l’égalité est le grand intérêt qui les anime. Sous un sénat aristocratique, si l’égalité entre les membres, et le maintien de l’autorité du corps, est l’intérêt général qui meut les sénateurs, la conservation de leurs biens et la sûreté de leurs personnes est celui qui anime les citoyens.

Dans un pays soumis au gouverne nient d’un seul, si la nation est éclairée et s’il n’y a point trop de distinctions héréditaires, d’autorités intermédiaires opposées au monarque et pesant sur le peuple, l’intérêt général est encore la conservation de la sûreté,