Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée
19
VIE DE VOLTAIRE.


légitime, et que les principes de l’honneur prescrivaient comme nécessaire. Nous osons croire que de notre temps la qualité d’homme serait plus respectée, que les lois ne seraient plus muettes devant le ridicule préjugé de la naissance, et que, dans une querelle entre deux citoyens, ce ne serait pas à l’offensé que le ministère enlèverait sa liberté et sa patrie.

Voltaire fit encore à Paris un voyage secret et inutile ; il vit trop qu’un adversaire qui disposait a son gré de l’autorité ministérielle et du pouvoir judiciaire, pourrait également l’éviter et le perdre. Il s’ensevelit dans la retraite, et dédaigna de s’occuper plus longtemps de sa vengeance ; ou plutôt il ne voulut se venger qu’en accablant son ennemi du poids de sa gloire, et en le forçant d’entendre répéter, au bruit des acclamations de l’Europe, le nom qu’il avait voulu avilir.

L’Angleterre fut son asile. Newton n’était plus, mais son esprit régnait sur ses compatriotes, qu’il avait instruits à ne reconnaître pour guides, dans l’étude de la nature, que l’expérience et le calcul. Locke, dont la mort était encore récente, avait donné le premier une théorie de l’âme humaine, fondée sur l’expérience, et montré la route qu’il faut suivre en métaphysique pour ne point s’égarer. La philosophie de Shaftesbury, commentée par Bolingbroke, embellie par les vers de Pope, avait fait naître en Angleterre un déisme qui annonçait une morale fondée sur des motifs faits pour émouvoir les âmes élevées, sans offenser la raison.

Cependant en France les meilleurs esprits cher-