Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/322

Cette page n’a pas encore été corrigée
308
CORRESPONDANCE DE M. DE VOLTAIRE, ETC.


de leur gloire littéraire, qui disparaissaient à leurs yeux devant les grands intérêts à la défense desquels ils s’étaient consacrés.

L’histoire des lettres ne nous a point offert encore d’exemple si honorable pour elles. Racine et Despréaux furent amis ; mais quelle différence entre leurs lettres et celles que nous publions aujourd’hui ! Il n’est question, dans les lettres des deux poètes, que de leur amour-propre, de querelles d’auteurs ; ils y paraissent au-dessous d’eux-mêmes ; la petitesse des objets qui les occupent fait disparaître leur génie.

On doit sans doute attribuer-, en partie, cette différence à celle des siècles. Sous le règne de Louis XIV, on osait à peine penser, même dans le secret d’un commerce intime ; le joug de l’autorité pesait sur les esprits ; les vrais intérêts des hommes étaient étrangers à la plupart de ceux qui cultivaient les lettres ; les querelles littéraires, la dispute des anciens et des modernes, occupaient les esprits des académiciens plus que les dragonnades et l’émigration des protestants.

On voit, dans ces lettres, comment M. de Voltaire et M. D’Alembert allaient au même but par des moyens divers : l’un montrant plus de hardiesse, parce que sa retraite et son âge faisaient sa sûreté ; l’autre se découvrant moins, mais non moins utile par l’ascendant que sa réputation lui donnait sur l’esprit des gens du monde et des jeunes littérateurs.

On trouvera peut-être, dans ce recueil [1], des

  1. Voyez les Œuvres complètes de Voltaire.